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Témoignages au Collège Politzer de Montreuil, en Seine-Saint-Denis
dimanche 26 mars 2023, par
Le mardi 22 mars, au cours de la matinée, à l’initiative du Conseil Départemental de la Seine-Saint Denis (Mémoires Plurielles) et de L’ONAVG, plusieurs intervenants se sont rassemblés au collège Georges Politzer de Montreuil devant les élèves d’une classe de 3ᵉ.
Le contexte aussi bien que le format des interventions était inhabituel.
Contexte
Dans le cadre des actions en faveur de la culture et l’art au collège, le Conseil Départemental a initié avec l’aide de la structure « citoyenneté jeunesse » de Pantin représentée par Céline Gatel un projet de réalisation d’un journal illustré sur la guerre d’Algérie. Le collège Georges Politzer de Montreuil a été sollicité et les professeurs concernés se sont montrés très motivés pour répondre à cette demande.
C’est David Hury, journaliste et auteur de livres documentaires et de romans qui a été chargé de piloter ce projet. Il avait publié en 2021 un livre, Mustapha s’en va en guerre, évoquant en particulier la colonisation et la guerre d’Algérie et il se proposait d’accompagner et guider les élèves pour la réalisation de cette action éducative en s’appuyant sur des documents et la parole de témoins rencontrés à l’occasion de cette séance.
La professeure de français Madame Nesrine Debabi, la professeure d’histoire Madame Françoise Daireaux et la professeure documentaliste, Madame Karine Banquy avaient aussi la charge de suivre ce projet.
Format choisi pour l’échange avec les témoins
Après une courte introduction de Jean Salvat, qui représentait L’ONACVG les témoins retenus, sollicités à partir d’une question d’un élève se sont livrés à une brève présentation. Les témoins se sont ensuite dispersés au sein des regroupements d’élèves par tables et ont répondu aux questionnements de ceux-ci.
Les témoins
Jacqueline Brenot, auteure de plusieurs livres dont certains sont en rapport avec l’Algérie (La dame du chemin des crêtes, œuvres en partage) est née à Alger d’une mère constantinoise et d’un père engagé comme résistant, qui l’a rencontrée en Algérie. Il a alors pris le parti de la révolution algérienne ce qui lui a valu d’être condamné à mort par l’OAS.
Messaoud Guerfi est devenu harki dans des circonstances qu’il convient de préciser. Ayant bénéficié, ce qui était rare, d’une bonne formation l’armée française lui a confié l’ouverture d’une école dans son village. Son père avait fait la guerre de 39/45 et il affichait des sentiments francophiles. Il était menacé de mort par le FLN et de fait il fut abattu avec 7 autres membres de sa famille dont une fillette de 7 ans. Lorsqu’il fut appelé à faire son service militaire il ne voulait pas partir en France afin de pouvoir soutenir sa famille décimée. On lui a proposé de devenir Harki et de continuer ainsi à poursuivre son travail d’instituteur avant de devenir traducteur. Au moment de l’indépendance les choses se sont d’abord bien passées, car on reconnaissait qu’il n’avait exercé que des fonctions civiles. Puis le magasin tenu par sa mère a été spolié, et il a été arrêté, emprisonné à la frontière tunisienne interrogé et torturé.
Grâce à sa mère et un officier français il a pu enfin s’évader et effectuer un voyage vers la France.
Christian Travers, Ancien appelé, adhérent de la 4acg. Informé de la façon dont les Irlandais s’étaient débarrassés du joug britannique sa conviction, à 14 ans, au moment des attentats de 1954, était faite. Combattre en Algérie des résistants qui n’aspiraient qu’à se soustraire à la colonisation n’était pas légitime. Nous étions là pour le « maintien de l’ordre » mais pour un ordre profondément injuste. Cette prétendue pacification ne pouvait conduire qu’à un fiasco. Je l’ai déclaré haut et fort et c’est pourquoi, je suppose, on m’a nommé à un poste d’instituteur. Je me suis trouvé en paix avec ma conscience mais cela n’a pas duré autant que je l’aurais voulu car ayant attrapé une jaunisse j’ai été soigné et j’ai bénéficié d’une permission de convalescence. À mon retour en Algérie le poste avait été supprimé et je me suis retrouvé derrière un canon à la frontière du Maroc…
Jacqueline Gozland, juive d’Algérie née à Constantine. Elle rappelle que les juifs d’Algérie ont deux mille ans d’histoire en Algérie et qu’il existait alors une très grande proximité entre les juifs et les musulmans. Son papa était tailleur, il fut victime d’une bombe en 1955, deux ans après sa naissance et pour des raisons de sécurité elle s’est réfugiée en France à l’âge de 8 ans. Arrivée en France elle s’est d’abord sentie exclue et avec sa mère elle a connu des temps difficiles. Après une longue période d’amnésie traumatique elle a retrouvé le gout de vivre en réalisant des films qui sont toujours en lien avec l’Algérie où elle retourne souvent.
Georges Morin, Président de l’association « Coup de Soleil ». Fils d’un père et d’une mère venue de France il habitait à Constantine quand la guerre est survenue. Alors qu’à Alger les populations européennes se partageaient à égalité et que les Européens étaient nettement majoritaires à Oran la situation dans la troisième ville du pays était différente. Elle comptait environ 10 % d’européens, 20 % de juifs et 70 % de musulmans. Certes il y avait bien une répartition par quartiers mais dans le quartier européen où il habitait, progressivement, des juifs et des musulmans s’installaient. On vivait ensemble, de la maternelle à la classe de 6ᵉ il était avec des juifs et des musulmans.
Son père était dessinateur industriel et sa mère infirmière. C’est ainsi qu’un jour, après le couvre-feu elle fut appelée à aller soigner un maquisard. Ensuite ce type d’intervention s’est renouvelé et l’on doit savoir que certains pieds- noirs ont par humanité soutenu le peuple algérien dans sa lutte ; on doit savoir aussi que si l’image du grand colon et riche propriétaire ne peut être niée, le niveau de vie moyen en Algérie était inférieur de 20 % à celui de la métropole. La population européenne venue en Algérie a d’abord été constituée d’exclus politiques et surtout de pauvres issus du nord de la méditerranée.
Pendant cette matinée nous avons aussi bénéficié de la présence du Principal du collège Abdel Nasser Laroussi-Roubiate, et de deux Conseillers Départementaux : Madame Dominique Dellac, Vice-présidente, en charge du patrimoine culturel et les mémoires, et Madame Elodie Girardet, chargée du projet éducatif.
Christian Travers